samedi 27 avril 2013

QUE DIS-TU DE LA NUIT ? LA NUIT EST LONGUE…


Ce matin de bonne heure, bien avant les premiers chants du coq,
avant que le premier passant n’ait foulé la poussière de ces chemins qui se croisent, comme de coutume tous les 27 du mois d’avril, je me suis pointé au carrefour de mon quartier.
La nuit est...
Tenant à la main cette calebasse millénaire, que j’ai vu tenir mon père lors des grands évènements, qui m’a dit avoir vu son père la tenir tout comme le père de son père…
Je me suis mis à regarder cette farine de maïs d’un blanc innocent tapissant le fond de l’eau limpide que, j’allais verser en offrande à tous ceux dont les semelles ont martelé ce carrefour et dont, les pères nous ont permis à nous d’être là comme témoignage de leur sacrifice ultime ô combien majestueuse dans l’éternité…

Au moment où la première goutte toucha la terre et que les premières paroles ont frayé le chemin pour sortir de ma gorge, je me surpris transporté sur les hauteurs de Bankouri. Là, J’ai entendu une voix frêle, presque inaudible me demander : Que nous est-il arrivé ?
Je tournais mon regard et me suis demandé d’où venait cette voix ? Pourquoi moi ? Pourquoi cette voix presque inaudible m’est-elle parvenue ? Que peut-elle vouloir me demander par ce : Que nous est-il arrivé ?

C’est alors que j’aperçu au loin le reflet d’un être frêle qui présentait les attributs d’un jeune garçon. Un jeune garçon qui ne comprenait pas ce qu’il cherchait là, au royaume des ombres. Il se demandait comment il pouvait atterrir là. Les routes poussiéreuses de Namoundjoga à Galangachi sur lesquelles il avait l’habitude de marcher pour aller suivre un cours dispenser sous un apatam fait de feuilles de palmiers avec pour banc des pierres ramassées pouvait-elle l’envoyer de l’enfer au trépas…?
Son regard perçant, inquisiteur me glaça.
Devant ce spectacle,  je ne pu m’empêcher de verser des larmes…
Sitôt que la première goute toucha le sol je vis cette tache rouge sombre de sang de milliers de nos frères qui n’ont eu pour seul tort que d’avoir voulu mieux vivre sur la terre de nos aïeux.

-        Je surpris tous mes enseignants d’histoire en train de me raconter dans une cacophonie criarde la « pseudo histoire » de mon pays. Alors que Monsieur Abalovi soutenait mordicus que cette bande de terre fut libérée par les hommes à la « peau ni noire ni blanche », Mademoiselle Solim s’évertuait à dire que ces mulâtres, rejetons des femmes prostituées qui abandonnaient leur dignité aux blancs qui sillonnaient les côtes, étaient la cause de tous nos malheurs.

-        Je me revois chantonnant avec entrain la « Terre de nos aïeux » au cours primaire avant que je ne découvre au collège qu’il fallait plutôt « écarter les mauvais esprits qui gênent…».

-        Je revois ma mère diminuer puis, rationner nos repas quotidiens. Du petit déjeuner le matin au diner du soir en passant par le déjeuner et même le gouter, elle s’est vu contraint la mort à l’âme de n’offrir qu’un diner le soir, fait de pâte de maïs avec du gombo sec et, pour seul extra, l’odeur du poisson ranci gardé par salaison depuis des semaines dans un coin de la chambre à coucher servant à la fois de cuisine, de salon… Et pourtant, mon père est comme on le dit un fonctionnaire. Avec sa grille salariale datant de l’avant ma naissance, il a dû se résoudre à retourner dans cette maison familiale où, son papa forgeron lui a laissé une pièce pour femme et enfants.

-        Je commence par comprendre pourquoi, il faut s’asseoir à trois sur un banc conçu pour deux dans une classe de cent cinquante élèves. Pourquoi, l’enseignant ne connaissait ses élèves que lorsqu’ils viennent pendant les récréations solliciter son aide pour acheter de la bouillie du riz.

-        Comme si on enlevait des écailles sur mes rétines, je compris pourquoi malgré depuis un demi siècle, aucun de mes frères n’a jamais été, ne serait-ce que nominé pour le prix Nobel. Prenez par exemple Ankissi. A 15 ans il avait déjà décroché son baccalauréat avec mention mais, ne portant pas le bon nom, le nom qu’il fallait porter, on attribua sa bourse à son copain de quartier qui malgré ses cinq années passées en terminal, avait un papa qui connaissait celui qu’il faut connaitre…

-        Je revois la sœur d’Amelévi qui rendît l’âme dans cet hôpital qui reçu par euphémisme le surnom de « mouroir »,  faute de réactifs pour déceler son taux de glycémie anormalement élevé. On lui injecta un sérum glucosé alors qu’elle était diabétique…

-        Son mari le conducteur de taxi moto se noie comme la plupart de ses contemporains dans les verres de bières j’allais dire de sodabi ou de tchouk parce que hanté par le remord de n’avoir pas eu les moyens pour conduire sa femme se faire soigner dans les cliniques où il faut aller. Même si au finish on aboutissait au même résultat…

-        Leur unique enfant komlan est devenu un affilié des jeux de hasard, de dame et de boule à longueur de journée, puisque sa Maîtrise en gestion ne lui permet de faire que la littérature de la gestion. J’oubliais, il est devenu un contestataire de tout et même de rien…

-        Je revois l’image de ce néo-zélandais qui me parlait, des grands hôtels de chez moi des vestiges historiques disséminés dans les coins de la terre de mes aïeux, qu’il a eu le loisir de visiter l’année passé et moi comme un enfant étourdi je me mis à l’interroger sur ces choses que je ne connais que dans les livres…


C’est alors que je surpris mon regard, comme si cet enfant me transportait dans le temps, sur ce drapeau qui, arrivé au milieu du mât ce 27 du mois d’avril de l’année 1960, refusa de monter…
Tenant toujours ma calebasse avec son contenu, je m’entendis murmurer, comme pour répondre en échos à cette interrogations: « sentinelle que dis-tu de la nuit ? »
La nuit est longue………………………

Il n y a ni blanc, ni noir d’un coté, tout s’entremêle et seuls ceux qui vitriolisent le comprendront

6 commentaires:

  1. vraiment intéressant,assez pertinent. Oui la nuit est si longue, trop longue à mon goût. Et je me demande combien de temps encore le sentinelle va devoir t'-il attendre...........

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  2. le temps que les graines ne germent.........

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  3. Je dirai profond mais de quel profondeur je parlerai??? celui de l'histoire a travers laquelle tu nous emportes par ces ligne??? ou celui de notre mal être social??? ta la plume légère mon pote légère mais lourde de sens

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    1. Merci à toi cher ami. que ce soit la profondeur historique ou meme la profondeur de notre mal etre social partagé, le plus important et que le message fasse son effet. et pour le moment on attend...

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  4. Que puis je dire de la nuit?........ Elle est hélas très longue et malheureusement intensément noir; quel contraste quand t-on ton la compare a ce a quoi on s'attend vraiment. Nous croupissons dans des vallées de larmes, de détresse et pis, souvent de désespoir. Mais est ce pour cela que nous devons arrêter de rêver? Au delà de tout ne devons nous pas songer a des lendemains meilleurs? Espérer que demain serait mieux est ce que qui peut ravir nos cœurs aujourduit en lambeau. Tout compte fait nous ne devrons pas mettre la clé sous la paille. Hmmmm....... la nuit est longue, mais INCHA ALLAH il fera jour.
    Bon courage a toi tes réflexions sont profonde et me laisse triste...... A BIENTOT

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    1. Triste, oui nous le sommes tous. quand on regarde derrière et regardons ce qui a été produit comme résultat avec tout ce dont nous disposions, etre triste reste la moindre des choses. au demeurant, cette tristesse devra etre transformée en carburant pour alimenter le désir de mieux faire qui devra à termes se transformer en action...

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